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Les massacres, la famine, le silence…

(septembre 1997)

Article publié dans Le Journal du Médecin du 26 septembre 1997

 

Le Burundi a disparu de la une de l’actualité ces derniers mois. La politique de regroupement forcé des populations hutues, menée par le gouvernement du major Buyoya, provoque pourtant un nombre incalculable de morts. Et la famine sévit dans certains camps.      

 

Le 21 octobre 1993 est une date clé dans l’histoire récente du Burundi. C’est en ce jour que des militaires tutsis (l’ethnie minoritaire) ont assassiné le premier président hutu, Melchior Ndadaye, qui avait été élu démocratiquement. S’en suivit une vague de tueries dirigées contre les Tutsis, puis une répression meurtrière de l’armée tutsie ainsi que trois années d’instabilité politique et de guerre civile qui ont débouché sur la prise de pouvoir, en juillet 1996, du major Pierre Buyoya. Ce dernier n’y est pas allé de main morte pour tenter de « pacifier » le pays. Afin de couper les vivres à la rébellion, le gouvernement a mis en œuvre une politique de regroupement forcé de la population hutue dans des camps gardés par l’armée. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été contraintes de quitter leurs maisons et leurs champs pour s’installer dans des zones situées parfois à quelques kilomètres seulement de leurs villages. Officiellement, il s’agit de protéger temporairement les civils contre les rebelles. En réalité, il est clairement expliqué aux habitants des collines qu’en restant chez eux, ils prennent le risque d’être assimilés aux groupes armés hutus et de devenir ainsi des cibles militaires pour l’armée burundaise.

 

Amnesty International rapporte que très souvent, dans les jours qui suivent les opérations de regroupement forcé, les soldats tutsis de l’armée ratissent les collines pour chercher ceux qui sont restés sur place. Généralement, ceux qui sont découverts sont tués, souvent après d’horribles tortures. Les enfants ont peu de chances d’être épargnés. Certains n’ont que l’exil comme seule chance de salut. « Lorsque les soldats burundais sont arrivés dans notre village, ils ont tout incendié et tiré sur la population, explique cette mère de quatre enfants à la revue Dialogue. Ils ont ensuite laissé un moment de calme pour que les gens qui se sont enfuis sortent de leurs cachettes. Puis ils ont repris le tir et lorsqu’ils sont partis, j’ai vu ma grand-mère et mon frère tués, tout comme vingt-cinq autres personnes. La forêt était brûlée et nous n’avions plus d’endroit où nous cacher, nous étions donc obligés de fuir vers le Zaïre. Après deux jours de marche, nous avons encore rencontré des militaires qui ont tiré sur nous. Nous nous sommes cachés. De peur qu’un enfant ne pleure et nous fasse découvrir, j’ai mis toute une mamelle dans sa bouche. Les autres enfants se sont couchés à plat ventre ».

            

                                         Représailles

 

La même femme, qui est arrivée au Zaïre en août 1996, explique comment les regroupements forcés de Hutus se sont déroulés. « Les gens qui avaient peur des militaires étaient invités à se réfugier à la commune par le bourgmestre. Quand on y arrive, on sépare les gens selon leur ethnie. Les Tutsis étaient amenés à la Province et protégés par les militaires, tandis que les Hutus restaient à la commune regroupés dans un camp. Si, dans les environs, un militaire était tué par les maquisards, l’armée se vengeait directement contre ces gens, tuant jusqu’à trente personnes ».

 

Ceux qui ont échappé aux combats et aux exactions de l’armée ou de la rébellion ne sont pas sauvés pour autant. Les conditions de vie dans les camps de regroupés sont épouvantables et, un comble pour un pays à la terre si fertile, la famine y fait des ravages. Les médias burundais ne répercutent pourtant rien de cette situation, par crainte des représailles meurtrières s’abattant sur toute personne la dénonçant. La communauté internationale, elle, préfère oublier le Burundi pour le moment...              

 

                                                                         Samuel Grumiau

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