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Viols et négligences médicales dans les prisons américaines

(mars 1999)

Article publié dans Le Journal du médecin du 9 mars 1999

 

 

Si les Etats-Unis aiment donner des leçons de droits de l’homme dans certains pays, ils semblent moins soucieux de la dignité humaine au sein de leurs frontières. Selon Amnesty International, les femmes détenues dans les prisons américaines sont fréquemment victimes de violences sexuelles et de négligences médicales.

 

Amnesty International a profité de ce 8 mars 1999, Journée internationale de la femme, pour dénoncer les violations graves des droits des détenues aux Etats-Unis. « Le gouvernement américain s’abstient d’appliquer intégralement les normes internationales destinées à protéger les droits des prisonniers. A ce jour, il n’a pas ratifié la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, instrument pourtant fondamental en ce domaine », souligne l’organisation de défense des droits humains. Les lois américaines contre la discrimination jouent précisément en la défaveur des détenues puisqu’elles empêchent les prisons pour femmes de refuser d’employer des gardiens masculins. On imagine les dérives que cette interdiction entraîne. Les surveillants sont en effet amenés à effectuer des fouilles corporelles très poussées et à voir les prisonnières lorsqu’elles sont dévêtues. Susan Shinn fait partie d’un groupe de six femmes qui affirment avoir subi, pendant plus de cinq ans, des sévices sexuels dans le centre de détention d’Albion (Etat de New York) :  « Lors des fouilles de routine, les membres du personnel ne respectaient pas la procédure. Ils nous tripotaient et nous caressaient en faisant des commentaires sexuels et obscènes sur notre corps ».   

 

Une enquête menée en 1995 par le ministère de la Justice dans les prisons du Michigan confirme : « Presque toutes les détenues que nous avons interrogées ont fait état de diverses agressions sexuelles de la part des gardiens. Certaines ont déclaré que les surveillants les « coinçaient » régulièrement dans leur cellule ou sur leur lieu de travail, dans la cuisine ou la buanderie, et se collaient à elles en mimant des relations sexuelles. Selon d’autres témoignages, il est arrivé que les gardiens exhibent leurs organes génitaux en faisant des allusions d’ordre sexuel ». En 1997, ce même ministère a assigné en justice les Etats du Michigan et de l’Arizona en affirmant qu’ils ne protégeaient pas les détenues contre les sévices sexuels, en particulier les agressions et le voyeurisme lorsqu’elles s’habillent, prennent une douche ou utilisent les toilettes.

 

                           Relations « librement consenties » ?

 

Quinze Etats ne disposent d’aucune loi qualifiant d’infraction pénale les relations sexuelles entre gardiens et détenus. Lorsqu’elles sont « librement consenties », elles ne constituent donc pas une infraction. L’inégalité entre le pouvoir des gardiens et celui des détenues est toutefois telle que l’on peut difficilement parler, dans la plupart des cas, de relations totalement volontaires de la part des femmes. Celles qui se rebellent s’exposent aux représailles. Une prisonnière de l’Etat de New York a déclaré que lors d’une fouille corporelle, un gardien avait frotté son sexe contre elle, empoigné et écrasé sa poitrine et lui avait fait des propositions sexuelles. Lorsqu’elle l’a insulté, il a rédigé un rapport pour mauvaise conduite, affirmant qu’elle avait « harcelé un surveillant ». Amnesty International souligne que les procédures officielles destinées à sanctionner les abus sont souvent inefficaces. Les gardiens maltraitent les femmes en sachant qu’ils ne seront probablement jamais punis.

 

Les normes internationales disposent que tous les détenus ont le droit de bénéficier de soins médicaux appropriés. Dans certains Etats américains, il faut d’abord parvenir à convaincre un gardien que l’on est malade, puis attendre des jours avant de voir un médecin. « Debra Gant, incarcérée dans une prison de Washington D.C., a failli succomber en juillet 1996 à une hémorragie due à la rupture d’une trompe de Fallope, rapporte Amnesty. Elle a dû subir une opération chirurgicale destinée à enlever la trompe et l’un de ses ovaires. Dans son action en justice intentée contre les autorités, Debra Gant a indiqué que malgré les saignements importants et les douleurs abdominales aiguës dont elle avait souffert pendant plus d’un mois, le personnel n’avait pas pris en compte ses demandes répétées de consultation médicale ». Plusieurs négligences de ce type ont provoqué le décès de détenues.

 

                      Les menottes jusqu’avant l’accouchement

 

Il est normal de prendre des mesures afin d’empêcher les évasions. Aux USA cependant, cette nécessité tourne parfois à l’obsession. « Mes fers n’ont été enlevés qu’une demi-heure avant la naissance de mon bébé, déclare Warnice Robinson, qui a accouché alors qu’elle était incarcérée dans l’Illinois. Je ne pouvais même pas bouger pour essayer de m’installer plus confortablement ». Si les fers sont ôtés au moment de l’accouchement, ils sont parfois remis alors que la maman allaite son enfant pour la première fois. Les entraves sont également utilisées pour attacher des femmes à leur lit d’hôpital, même lorsqu’elles sont gravement malades et incapables de se déplacer. A nouveau dans l’Illinois, une détenue a été très surprise de découvrir, en se réveillant après une opération chirurgicale, qu’elle était enchaînée à son lit !    

 

Les trois quarts des 138.000 femmes détenues dans les prisons américaines ont été condamnées pour des infractions commises sans violence. Certaines sont détenues pour la seule raison d’avoir demandé l’asile politique aux Etats-Unis. Comme la durée de leur séjour dans l’univers carcéral est indéterminé et qu’elles peuvent être transférées à tout moment, elles ne bénéficient que d’un accès restreint, voire inexistant, à une assistance juridique. Elles sont donc une cible toute désignée pour les gardiens peu scrupuleux. Leur rêve américain épousait certainement des contours moins écoeurants.

 

                                                                   Samuel Grumiau

 

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