La hantise des faux-malades
(mars 1999)
Reportage publié dans le Journal du Médecin du 9 mars 1999
L’hôpital universitaire de Gand dispose depuis peu d’un outil unique en Belgique : le simulateur Ergos, qui mesure avec précision les capacités physiques de travail d’un individu.
Originaires des Etats-Unis (Arizona), les simulateurs de travail Ergos commencent à se répandre en Europe après avoir conquis le marché nord-américain. Ces machines ultrasophistiquées comportent cinq grands panneaux, munis chacun d’un écran de dialogue et d’une série d’équipements destinés à tester les capacités physiques de travail. Les patients soulèvent, portent, déplacent, tirent des objets dans toutes les positions (debout, accroupi, penché, assis, ...). Un ordinateur enregistre leurs performances en tenant compte de la rapidité des mouvements effectués, du poids des objets manipulés, etc. Lorsque le travailleur ressent une douleur, il en détermine l’intensité sur une échelle allant de 0 à 10 et le signale à l’assistant, qui l’encode dans l’ordinateur. Cet assistant prend note également des signes extérieurs qu’il remarque chez le sujet (transpiration, essoufflement, ...). A la fin des tests, qui durent entre quatre et cinq heures, les performances du patient sont mises en rapport et comparées à 14.000 descriptions d’activités physiques qui figurent dans la banque de données de l’ordinateur. « Cette précision dans la définition des tâches est l’un des grands avantages d’Ergos, explique Johan De Vilder, psychologue industriel au Centre de revalidation locomotrice et neurologique de l’hôpital universitaire de Gand. Par exemple, pour le travail en métallurgie, l’appareil a en mémoire plusieurs dizaines de descriptions de fonctions ». Coût d’un tel appareil : environ 5,5 millions de francs (environ 136.000 Euros).
Détecteur de faux malades
Un rapport d’une quarantaine de pages est rédigé et envoyé au praticien ou à l’organisme qui a prescrit les tests au travailleur. Les résultats permettent de déterminer si un patient est apte à reprendre le travail après un accident, de l’orienter vers telle ou telle activité plus en rapport avec ses capacités physiques ou encore d’aider à fixer son degré d’invalidité. Les faux malades craindront Ergos comme la peste... Johan De Vilder : « Si vous êtes capable de soulever plusieurs fois un poids de 20 kilos à une hauteur de 1m80, il a été établi de manière scientifique que vous devriez être capable de soulever le double à une hauteur de 1 mètre. Nous pouvons donc voir si un patient s’est impliqué de façon maximale dans le test. Idem lorsqu’une personne donne une évaluation de peine 9 à tel ou tel geste de soulèvement mais qu’elle est capable de lever sans problème une caisse de 55 kilos jusqu'à 1m80. Ce sont des données discordantes ».
Certains travailleurs pourraient-ils remettre en question la parfaite fiabilité des résultats fournis par Ergos, qui risquent d’avoir des conséquences importantes sur la suite de leur carrière professionnelle ? Un tel cas ne s’est pas encore présenté en Europe, où Ergos n’a effectué ses débuts qu’aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne. Il est déjà arrivé, par contre, qu’un médecin envoie un travailleur passer des tests sur Ergos en confiant au personnel du centre de revalidation qu’il doute de la sincérité de son patient, mais que la machine puisse prouver la véracité de tel ou tel mal. Les travailleurs qui ont subi un accident à la suite d’un geste particulier doivent le signaler à l’équipe thérapeutique avant le début des tests. Il se peut en effet qu’ils éprouvent une résistance psychologique à le reproduire sur la machine et les assistants en tiendront compte dans l’évaluation.
Outil thérapeutique
La « clientèle » d’un simulateur Ergos est de deux types : certains viennent l’utiliser dans le cadre de leur thérapie, d’autres sont envoyés par leur organisme assureur, leur mutuelle, leur patron ou leur médecin pour une évaluation. A Gand, le personnel du centre de revalidation n’a pas encore reçu la formation nécessaire pour utiliser le simulateur en thérapie. Celui-ci ne sert donc qu’à l’évaluation mais, à terme, l’équipe de Johan De Vilder entend bien aller au maximum de ses possibilités. Par exemple, on peut imaginer qu’Ergos aide une personne à retrouver confiance dans l’accomplissement d’un mouvement qui a provoqué la perte d’un de ses doigts. Certains exercices programmés sur le simulateur de travail sont conçus pour que le patient ne soit pas uniquement concentré sur ses mouvements mais ait son attention détournée par autre chose afin qu’il « oublie » sa réticence à effectuer tel ou tel geste.
Vu le coût de ces examens (30.000 francs pour une évaluation complète, soit 743 Euros), rares sont les particuliers à pouvoir se les offrir. Jusqu'à présent, le simulateur de Gand accueille une moyenne hebdomadaire de deux à trois patients externes au centre de revalidation. Il ne s’adresse qu’aux travailleurs flamands ou à ceux qui comprennent le néerlandais parlé et écrit : le logiciel d’Ergos n’est pas encore traduit en français. Or, le patient reçoit ses instructions de la machine via une voix générée par l’ordinateur ou des textes apparaissant sur les moniteurs.
Grâce à la quantité énorme de données recueillies et la possibilité de suggérer des tâches plus en rapport avec les capacités physiques d’un travailleur, Ergos peut aider un patient à conserver un emploi dans son entreprise. « Il nous arrive de prendre contact avec un employeur afin de le conseiller sur les possibilités de réinsertion de la personne dans l’organigramme de sa société », conclut Johan De Vilder.
Samuel Grumiau
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