Le travail provoque un mort toutes les 15 secondes !
(Article publié dans le Journal du Médecin du XXXXX)
Le travail provoque un mort toutes les 15 secondes !
Selon l’OIT, plus de 80% des décès liés au travail pourraient être évités avec des mesures de prévention efficaces. Agriculture, mines et construction sont les secteurs les plus dangereux dans le monde.
Chaque année, environ 2 millions de personnes perdent la vie suite à un accident ou une maladie liés au travail, soit plus de 5.000 par jour, ou encore un décès toutes les 15 secondes. Douze mille victimes sont des enfants. Cette estimation, citée par une agence des Nations unies, l'OIT (Organisation internationale du travail) à l'occasion de la Journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail, ce 28 avril, est certainement en dessous de la réalité, car tous les accidents et maladies ne sont pas rapportés, surtout dans les pays du Sud. Les chiffres les plus fiables proviennent de pays où l’on a l’habitude de rapporter les accidents de travail et maladies professionnelles, qui sont aussi ceux où la prévention est la meilleure. Ainsi, si le Danemark enregistre, en théorie, l’un des niveaux de maladies professionnelles les plus élevés par habitant, ça ne signifie pas qu’il est l’un des pays les plus dangereux, bien au contraire, mais qu'il signale les maladies et les indemnise.
L'agriculture, l'exploitation minière et la construction sont les trois secteurs les plus dangereux. Selon l'OIT, sur 355.000 accidents mortels survenant chaque année sur le lieu de travail, quelque 170.000 touchent le secteur agricole. L'exploitation minière demeure extrêmement dangereuse dans les pays en développement, où l'on n'utilise pas d'équipements modernes. « Les pays industrialisés ont de plus en plus tendance à exporter leurs dangers dans les pays en développement, souligne Jukka Takala, directeur du programme de l'OIT sur la sécurité et la santé au travail et l'environnement. Les postes ingrats et difficiles sont souvent laissés aux pays du Sud. Nombre de problèmes ergonomiques du Nord ont donc été transmis au Sud, où la main-d'œuvre est meilleur marché et moins protégée par la sécurité sociale ».
Un coût énorme
Diminuer les problèmes de santé et de sécurité au travail permettrait de réaliser des économies substantielles : selon l’OIT, les dépenses liées aux accidents de travail et aux maladies professionnelles représentent l'équivalent de 4 % de l'ensemble des PNB de tous les pays de la planète. La syndicalisation des travailleurs peut aider à réduire ces coûts et, par conséquent, avoir un impact positif sur la productivité et le bénéfice des entreprises : « une entreprise ne peut afficher une bonne productivité sur le long terme si les travailleurs ne bénéficient pas d’un bon niveau de sécurité, affirme Eddy Laurijssen, directeur du bureau de liaison de l’OIT avec l’Union européenne. Or, selon plusieurs études, une bonne coopération entre syndicats et direction dans une entreprise engendre un nombre moins élevé d’accidents et maladies liés au travail ».
Ce constat est valable aussi en Belgique. En 2001, les statistiques du Fonds des accidents du travail signalent 242.394 accidents déclarés, soit, en moyenne, environ un accident toutes les deux minutes (1). Le service d’études de la FGTB souligne que 48% d’entre eux se produisent dans les entreprises qui occupent moins de 50 travailleurs, donc dans celles qui sont dépourvues de Comité pour la prévention et la protection au travail, et que cette proportion passe à 63% pour les accidents mortels. En Belgique, un travailleur sur trois est employé dans ce type d’entreprise. C’est l’une des raisons pour lesquelles les syndicats belges exigent l’instauration d’un Comité pour la prévention et la protection au travail dans les entreprises de 20 à 49 travailleurs. 112 parlementaires sortants ont d’ailleurs signé une déclaration en ce sens, à l’initiative de la CSC.
Les intérimaires en première ligne
Le Fonds des accidents du travail révèle que près d’un accident de travail sur trois survient dans la première année de travail (31,6%), et 61,6% dans les cinq premières années. Selon la FGTB, ces chiffres indiquent que la formation et l’accueil des travailleurs sont insuffisants. C’est d’ailleurs dans la catégorie des intérimaires que l’on relève le pourcentage le plus élevé d’accidents entraînant une incapacité temporaire (73%). « Les travailleurs intérimaires courent deux fois plus de risques d'être victimes d'un accident du travail qu'un travailleur ordinaire », explique la CSC sur son site Internet. Parmi les facteurs expliquant le risque plus accru d’accident chez les intérimaires, la CSC pointe le manque d’expérience (68% d’entre eux ont moins de 30 ans, le changement fréquent de lieu de travail les empêche d’accumuler de l'expérience), mais aussi le manque de communication (souvent, l’entreprise qui s’adresse au bureau d’intérim donne trop peu d'information sur la nature exacte du travail, les risques qui y sont liés et les mesures de protection à envisager). Le syndicat chrétien estime par ailleurs que les bureaux d'intérim sont trop peu attentifs à la sélection des travailleurs et ne disposent pas du temps ni des moyens nécessaires pour bien former le ou la candidate intérimaire.
Des causes évitables
L’OIT souligne que la principale cause de décès imputables au travail dans le monde est le cancer (32%). Elle cite plusieurs facteurs importants sur lesquels il y a moyen d’agir au travail pour réduire le nombre de cas : présence d’amiante, tabagisme actif ou passif, expositions aux produits chimiques et processus industriels cancérigènes, aux radiations ionisantes, aux fumées d’échappement des moteurs diesel, etc. Les maladies vasculaires viennent en deuxième position dans la liste des causes de décès liés au travail, avec 23% des cas. Là aussi, des mesures de prévention pourraient être mise en place pour limiter les risques que sont le travail posté et de nuit, le surmenage, le stress, etc. Les accidents viennent en troisième position, avec 19% des cas de décès au travail.
Alors que certaines maladies professionnelles résultent de plusieurs facteurs coexistants difficiles à éliminer, comme certaines prédispositions génétiques, les accidents du travail sont tous provoqués par des facteurs agissant sur le lieu de travail et qui auraient pu être évités. De nombreuses entreprises et certains gouvernements ont déjà adopté l’objectif zéro accident. Selon l’OIT, si tous ses Etats membres les meilleures stratégies de prévention des accidents et les pratiques qui existent déjà et qui sont faciles à identifier, quelque 300.000 morts (sur 355.000) et 200 millions d’accidents (sur 270) pourraient être évités, sans compter les économies qui seraient faites sur les indemnités. Encore faut-il en avoir la volonté politique : plus de 70 conventions de l’OIT traitent des questions relatives à la santé et à la sécurité au travail, mais certaines affichent des taux de ratification particulièrement bas, comme la Convention sur la sécurité et la santé des travailleurs (37 pays l’ont ratifiées, la Belgique n’en fait pas partie) ou encore la Convention relative à l’amiante, qui ne compte que 27 ratifications alors qu’il est prouvé que cette fibre tue 100.000 personnes par an.
Samuel Grumiau
(1) Sur ces 242.394 accidents, 122.231 (50,4%) ont entraîné une incapacité temporaire, 16.354 (6,7 %) une incapacité permanente et 232 un décès (0,1%)
Note :
Plus d’informations sur les questions liées à la sécurité et à la santé au travail sont disponibles sur le site de l’OIT à l’adresse www.ilo.org/safework
Encadré :
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