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Le Cambodge enfin sur le bon chemin ?

(2003)

 

(Article publié dans le Journal du Médecin du XXX 2003, dans le cadre d'un dossier sur le Cambodge)

 

 

                   LE CAMBODGE ENFIN SUR LE BON CHEMIN ?

 

La Belgique va entamer cette année des programmes de coopération au développement avec le Cambodge. Un pays qui renaît après des décennies de guerres ponctuées par la mort de Pol Pot.  Reportage.

 

Enfants trafiqués, handicapés délaissés, médecins corrompus… Les thèmes abordés dans ce dossier pourraient laisser penser que le Cambodge est un pays sans cœur aux autorités publiques totalement inefficaces. Un coup d’oeil sur son passé récent permet toutefois de comprendre bon nombre de drames vécus actuellement dans l’ex-colonie française, y compris dans le secteur médical. Avant l’arrivée au pouvoir de Pol Pot, en 1975, le gouvernement cambodgien était parvenu à installer une infirmerie dans chaque commune et un hôpital dans chaque district (de moins de 100.000 habitants), malgré les combats qui déchiraient régulièrement le pays. 1.000 médecins avaient été formés à cette date. Tous ces efforts ont été réduits à néant durant les quatre années de pouvoir des Khmers Rouges. Ceux-ci ont aboli les soins de santé modernes en proclamant que la médecine traditionnelle et les herbes suffisaient à soigner les paysans. L’objectif de Pol Pot était de transformer le pays en une coopérative agraire maoïste. On connaît la suite… Les habitants des villes, y compris les malades des hôpitaux, ont été obligés de gagner les campagnes et d’y subir le travail forcé. La moindre désobéissance entraînait une exécution immédiate. Les écoles ont été détruites, la plupart des professionnels de la santé tués. En 1979, lorsque le Vietnam envahit le Cambodge et repousse Pol Pot dans les maquis, il tente de rétablir le système de soins de santé, mais seuls 50 médecins sont encore en vie !     

 

                        Diplômes de médecine achetés ?

 

Depuis le retrait du Vietnam, en 1989, les donateurs internationaux appuient le gouvernement du Cambodge dans sa volonté de relancer le secteur public sur un modèle occidental. Vu le massacre perpétré par Pol Pot, le nombre d’intellectuels demeure toutefois réduit. De plus, beaucoup d’entre eux sont jeunes et donc inexpérimentés. Rares sont par exemple les médecins khmers de plus de 30 ans. La corruption est un sport national, à tous les échelons, sans que le gouvernement du 1er ministre Hun Sen ne s’en offusque puisqu’il en est le premier bénéficiaire. La formation des universitaires étonne également… Ainsi, presque tous les médecins cambodgiens ont fait leurs études sur base de livres et syllabus en français, mais ils sont très peu à pouvoir le parler ! Des rumeurs font état de diplômes achetés. Les professeurs d’université reçoivent, il est vrai, des salaires ridicules, tout comme les policiers ou les autres employés de l’Etat. 

 

La très grande majorité de la population cambodgienne vit donc dans la pauvreté. On n’imagine pas, en se promenant dans les ruines d’Angkor, à quel point tout Khmer demeure profondément traumatisé par les années de souffrances qu’il vient de vivre. Chaque Cambodgien a un membre de sa famille décédé durant le régime khmer rouge. La situation économique actuelle n’est guère plus réjouissante : le chômage est très élevé, l’ investissement étranger concentré dans le textile avec pour seul but d’exploiter la main-d’œuvre à très bon marché. On comprend mieux, dans ces conditions, le fatalisme affiché par bon nombre de Cambodgiens. Un médecin occidental témoigne ainsi : « Vous habitez dans un village, le centre de santé le plus proche est à une heure de route et le transport coûte cher. Ne vous étonnez pas, dès lors, qu’une femme préfère accoucher chez elle, malgré le risque dû au manque d’hygiène : elle a peut-être déjà eu cinq enfants avant et cela s’est plus ou moins bien passé… comment lui faire comprendre qu’elle doit emprunter de l’argent pour se déplacer dans un centre de santé afin d’accoucher pour la sixième fois ? Et qui va garder ses cinq autres enfants durant tout ce temps ? Il ne reste plus beaucoup de grands-parents dans ce pays ».

 

 

                                               Trafic de faux médicaments

 

La pauvreté des Cambodgiens les incite souvent à faire leur « shopping médical » auprès du guérisseur traditionnel ou du marchand de médicaments du village avant d’aller, en derniers recours, à l’hôpital. Et tant pis s’ils ne vendent que de la poudre de perlimpinpin... « Ce pays est confronté à un problème grave de faux médicaments, affirme le Dr Wim Van Damme, coordinateur médical pour MSF au Cambodge. Si vous allez dans une grande pharmacie d’une ville et que vous demandez un traitement pour tel ou tel symptôme, on vous proposera un médicament. Si vous dites au vendeur que c’est un peu cher, il vous donnera d’autres comprimés meilleur marché en vous garantissant que l’efficacité est identique, mais il n’en est rien : ce sont de faux médicaments qui ne contiennent pas d’élément  curatif. C’est encore pire dans les villages : là, les échoppes qui vendent les médicaments ne sont pas tenues par de vrais pharmaciens. Elles ne disposent généralement que de faux traitements, souvent fabriqués au Vietnam ».    

 

Des points positifs sont tout de même à relever au Cambodge. On note, par exemple, que les finances du gouvernement approvisionnent de plus en plus régulièrement les hôpitaux en médicaments. Reste à voir ce que les médecins en font (voir article en page…), mais au moins, les traitements sont là. Des banques de sang se constituent aussi dans un nombre croissant de districts. Comme leur alimentation est assez aléatoire, beaucoup d’hôpitaux demandent, en échange d’une transfusion, qu’un proche du patient fasse un don de sang. Il n’est toutefois pas toujours facile de trouver un volontaire, aussi voit-on souvent une famille payer un inconnu pour qu’il donne son sang ! La transaction tournerait autour des 500 francs. L’éthique de ce système laisse peut-être à désirer mais au moins, il fonctionne et c’est un début…

 

                                   Moins d’accidents par mines

 

Autre élément encourageant : le nombre d’accidents par mines antipersonnel diminue de façon constante, même s’ils ont encore provoqué mille victimes en 1999. Les campagnes d’information commencent donc à produire leurs effets tandis que les paysans, las d’attendre les équipes de déminage du gouvernement, paient d’anciens militaires pour sécuriser leurs champs. On s’inquiète par contre du nombre constant d’accidents dus à des engins non explosés : dans l’est du pays par exemple, il reste beaucoup de bombes larguées par les Américains pendant la guerre du Vietnam. Les gens se servent de ce métal résistant pour construire des maisons, des outils, etc., d’où un grand nombre d’accidents.

 

« Ici, c’est le Far East », ou « Le Cambodge, c’est le Wild East », disent certains Occidentaux établis dans ce pays en faisant notamment référence au manque de contrôle des autorités publiques sur ce qui s’y passe. La stabilité politique actuelle laisse toutefois apparaître quelques améliorations, un signe encourageant pour les centaines d’ONG qui contribuent à redonner vie aux descendants des temples d’Angkor.

 

                                                                                  Samuel Grumiau

 

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