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Cambodge: Le handicap démistyfié...

(2003)

(Article publié dans le Journal du Médecin du XXX 2003, dans le cadre d'un dossier sur le Cambodge)

 

                        Le handicap démystifié…

 

Les personnes souffrant d’une infirmité sont souvent marginalisées au Cambodge. A force de persuasion, la section belge d’Handicap International parvient pourtant à redonner de l’importance aux enfants handicapés dans les familles et à tisser des liens de solidarité entre moins valides. 

 

La société cambodgienne n’est guère généreuse à l’égard des personnes handicapées. Le gouvernement n’accorde aucune aide financière ou médicale aux non-valides et, dans les familles, on invoque souvent la malédiction pour justifier la présence d’un enfant handicapé. Certains diront par exemple que les parents paient un mauvais comportement dans une vie précédente, d’autres que la maman enceinte a mis le nez dehors une nuit de pleine lune alors que « ça porte malheur »  ! Bref, la plupart des Cambodgiens ignorent tout des causes d’un handicap et n’accordent pas une grande attention à ceux qui en souffrent ou aux façons de les aider. Ce scénario se reproduit au niveau de la famille : si personne ne vient les sensibiliser ou les encourager, de nombreux parents se découragent et laissent leur enfant handicapé dans son coin, amenant un risque de retard de développement mental qui accroît encore le rejet.

 

C’est pour lutter contre cette indifférence que la section belge d’Handicap International a monté au Cambodge un programme nommé CABDIC (« Capacity building of people with disability in the community »). Le but est d’entrer en contact avec un maximum de parents afin de leur proposer un accompagnement pour aider l’enfant à surmonter sa déficience, ou en tout cas à mieux vivre avec elle. « Nous rencontrons les chefs de village pour nous procurer les noms des familles qui ont un enfant handicapé, explique Kol Vanna, d’Handicap International (HI) à Phnom Penh.  Puis, nous allons les trouver, nous discutons avec elles pour leur faire prendre conscience qu’elles ne sont pas les seules dans le cas, qu’il existe des solutions pratiques, des exercices que l’enfant peut faire pour améliorer son bien-être. Nous identifions la personne de la famille qui semble la plus motivée à aider l’enfant et, si elle est d’accord, nos travailleurs de terrain vont la voir régulièrement pour la conseiller ».

 

                                               Maternité difficile

 

L’infirmité motrice cérébrale (IMC) est l’un des handicaps les plus répandus au Cambodge, tout comme le pied bot et les conséquences de la polio. L’IMC est généralement la conséquence directe du manque de suivi médical disponible pour les femmes enceintes et les jeunes enfants dans les régions rurales. « L’IMC peut avoir trois causes, souligne Lieve Sabbe, ergothérapeute pour HI au Cambodge : d’abord, des problèmes durant la grossesse, souvent la malnutrition parce que la nourriture des Khmers n’est pas très diversifiée. Beaucoup souffrent d’une carence en protéines. Ensuite, l’accouchement, qui se fait généralement à la maison avec l’aide d’une femme du village qui n’a aucune compétence en cas de complication. Un manque d’oxygène en cours d’accouchement peut provoquer des problèmes de motricité par après. De nombreuses IMC sont aussi dues à une fièvre mal traitée lorsque l’enfant est très jeune ».

 

Les deux dernières causes pourraient être évitées si l’organisation des soins de santé du Cambodge n’était pas aussi délabrée. De nombreux villages sont situés à des dizaines de kilomètres du premier hôpital et les médecins, pas toujours compétents, se concentrent dans les grandes villes. L’état catastrophique des routes et le manque de transport en commun achèvent de décourager les villageois. « Je dois reconnaître que durant toute ma grossesse, je ne suis pas allé voir une seule fois un médecin, dit la maman de Svey Lok, une fille de 4 ans atteinte d’IMC. Mais nous devons faire deux heures de moto-taxi pour arriver à l’hôpital, le transport coûte 100 francs et nous sommes très pauvres. Mon bébé a développé une grosse fièvre quelques jours après sa naissance. Nous sommes alors allés à l’hôpital, où on lui a donné des médicaments, puis le médecin a dit que je devais retourner le voir chaque mois ». Les parents n’ont pas suivi ce conseil, avançant un manque d’argent et le fait qu’ils n’avaient pas confiance dans ce médecin. Leur maison du petit village de la province de Ta Keo est en effet très pauvre, mais on y trouve quand même une petite télévision…

 

                                   Enseigner un peu de kiné

 

L’héritage de Pol Pot et des guerres qui ont secoué le Cambodge explique que peu de Khmers ont dépassé le stade de l’école primaire. Pour eux, le vendeur de médicaments du village (on n’oserait pas le qualifier de pharmacien…) fait déjà figure de référence, surtout s’il vend ses produits bon marché (voir le problème des faux médicaments en page…). On ira plusieurs fois lui demander un autre « traitement » avant de se décider à aller voir un médecin. Dans le cas de l’IMC, les conseils prodigués par les employés d’Handicap International ne coûtent heureusement pas bien cher : il s’agit généralement pour le proche d’un enfant handicapé d’apprendre des exercices de kinésithérapie à lui appliquer, ou de confectionner l’un ou l’autre jouet pour l’inciter à faire certains mouvements.

 

Le programme CABDIC tente par ailleurs de renforcer la solidarité entre les moins valides par l’intermédiaire de groupes d’entraides. Au minimum une fois par mois, des groupes allant de 8 à 20 personnes handicapées (ou leurs parents) d’une même localité se réunissent pour discuter de problèmes communs : où trouver de l’aide, comment améliorer leur intégration, comment se battre pour les droits de la personne à mobilité réduite dans le village, pour leur faciliter l’accès à certains bâtiments publics, etc. Un membre du personnel de HI-Belgique assiste aux premières réunions pour motiver les participants et les aider à s’organiser. Une soixantaine de groupes existent aujourd’hui à travers le Cambodge, pour un total d’environ 700 participants « Beaucoup de ces groupes ont également commencé leur propre caisse d’épargne, ajoute Lieve Sabbe : chaque participant y place 5 francs par mois. Le total ainsi récolté peut servir de prêt si l’un d’entre eux doit payer, par exemple, le transport vers un hôpital ou des frais médicaux. Les montants peuvent sembler dérisoires, mais pour eux, c’est déjà important, ils se sentent en sécurité au cas où il leur arrivait quelque chose ». Dans un pays rongé par l’indifférence et l’individualisme, la section belge d’Handicap International parvient à susciter des liens de solidarité entre les personnes les plus défavorisées. Un exemple qui pourrait susciter des émules…

 

                                                                                             Samuel Grumiau

 

 

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