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Une lueur d'espoir pour les enfants colombiens

(mai 2010)

Article publié dans "Vision Syndicale" de mai 2010, disponible également sur http://www.ituc-csi.org/IMG/pdf/VS_child_labour_Fr.pdf

 

Travail dans les mines, exploitation sexuelle, travail domestique, recrutement par des gangs... Tous les enfants colombiens défavorisés courent le risque d'être entraînés un jour dans les pires formes de travail. Le syndicat CGT tente de prévenir ces dangers par l'éducation et la sensibilisation.  

 

La Confédération générale des travailleurs (CGT) est l’un des syndicats les plus expérimentés dans la lutte contre le travail des enfants. Dès le début des années 80, elle a commencé à sensibiliser ses membres de l’économie informelle aux effets négatifs de cette exploitation. « Lors des réunions syndicales organisées durant le week-end, certains adultes venaient avec leurs enfants qui, en général, étaient des enfants travailleurs, explique Myriam Luz Triana, secrétaire nationale des finances de la CGT. Nous avons commencé à organiser des jeux, à communiquer avec ces enfants pendant que leurs parents assistaient aux réunions. L’objectif était que les enfants ne s’embêtent pas mais au travers de ces activités, nous avons appris beaucoup de choses sur le vécu des enfants à la maison, sur les types et conditions de travail, etc. Petit à petit, nous avons réuni un groupe d’environ 150 enfants de travailleurs syndiqués et d’amis de ces enfants. Nous les amenions une fois par semaine dans le parc situé en face du local de la CGT à Bogota pour un repas et une série d’activités ludiques destinées à renforcer l’estime de soi, à comprendre les droits des enfants, etc. »

 

En 1996, la CGT décide d’aller plus loin en proposant des cours d’accompagnement scolaire pour les enfants. Des militants de la CGT contactent les directions et enseignants des écoles, demandent qui sont les enfants en difficulté, les rencontrent et essaient de convaincre leurs parents de les laisser bénéficier de ces activités de rattrapage. Ils demandent ensuite aux élèves inscrits s’ils connaissent des enfants non scolarisés qui aimeraient se joindre à eux. Ce type de programme existe actuellement à Facatativa et Bojaca, deux localités situées non loin de la capitale, Bogota et à Ciudad Bolivar, l'une des zones les plus pauvres de Bogota. A Ciudad Bolivar, entre 25 et 40 enfants vont à l’école le matin et rejoignent le local de la CGT de 14h30 à 17h. Tous sont scolarisés car le local est situé dans la partie la moins défavorisée de Ciudad Bolivar, celle qui est située à la plus basse altitude. Il serait très risqué pour la CGT de développer ses activités plus en hauteur, là où les paramilitaires sont présents en grand nombre et où il vaut mieux garder profil bas, surtout en tant que syndicalistes.

 

Le projet d’accompagnement scolaire de la CGT est dû aux difficultés qu’éprouvent les enfants à assimiler certaines matières durant les heures de classe habituelle (en raison notamment d’un trop grand nombre d’enfants par classe qui empêche les enseignants de pouvoir consacrer l’attention nécessaire aux élèves les plus faibles). Le niveau de scolarité atteint par les parents est un autre obstacle. « J’ai souhaité que mon fils participe aux activités de la CGT car il ne réussissait pas très bien à l’école, entre autres car personne ne peut être à ses côtés pour ses devoirs à la maison, explique Gloria, 38 ans, une habitante de Ciudad Bolivar. Je voudrais l’aider, mais je n’ai même pas atteint le niveau de l’école secondaire. Ses résultats scolaires s’améliorent beaucoup depuis qu’il est aidé par les éducateurs de la CGT ».

 

                                   Amélioration du comportement des enfants

 

Le syndicat a demandé à une pédagogue, Luz Mila Triana, de développer des jeux facilitant la compréhension de certaines matières. « Pour les mathématiques, ce sont par exemple des jeux de cartes dans lesquels les enfants doivent utiliser des calculs, explique-t-elle. Pour apprendre à la fois la lecture et les bonnes valeurs, nous donnons aux enfants des textes à lire et ils doivent reproduire dans des jeux ce qu’ils ont lu ». A côté de la hausse des résultats scolaires, les parents se réjouissent d'une amélioration importante du comportement des enfants envers les membres de leur famille, leurs amis, etc. « Avant, mon fils avait parfois tendance à être violent avec d’autres enfants, mais ça s’est nettement amélioré depuis qu’il assiste aux cours de la CGT, note Luz Marina, une habitante de Facatativa. Les éducateurs lui apprennent le respect des autres, y compris des personnes âgées ».   

 

Ces changements de comportement dans la vie de tous les jours peuvent paraître étonnants si l’on considère le peu de temps passés en compagnie des éducateurs de la CGT à Bojaca et Facatativa (de trois à quatre heures par semaine, alors que dans la zone de Ciudad Bolivar à Bogota, il s’agit de trois heures par jour). Il semble que l’influence de personnes extérieures à la famille et à l’école joue un rôle important, d’autant que tout se passe de façon ludique. Luz Mila Triana : « Nous organisons parfois des jeux qui aident les enfants à distinguer les bonnes ou mauvais comportements, etc.  Si, par exemple, un enfant a maltraité une de ses camarades de classe, nous allons créer un jeu où les rôles sont inversés, afin qu’ils comprennent ce que ressent l’autre. Nous les aidons ainsi à percevoir les réalités de parents, d’enseignants, … ».

 

                                   Prévenir les mauvaises fréquentations

 

Au-delà de ces améliorations, le programme constitue aussi une véritable prévention du travail des enfants. « Nos activités préviennent les risques que les enfants soient exposés aux drogues, aux mauvaises fréquentations (par exemple avec les gangs), qu’ils soient poussés par leur famille à travailler », note Claudia Castro, coordinatrice du programme la CGT à Ciudad Bolivar. Claudia est l’une des cinq personnes employées par la CGT qui sont d’anciens enfants travailleurs et faisaient partie du premier groupe de 150 enfants bénéficiaires des activités du syndicat. Elle a travaillé dans la fabrication d’artifice et les mines d’émeraudes au cours de son enfance.   

 

La CGT estime à 5.000 le nombre d’enfants qui ont été impliqués jusqu'à ce jour dans ses programmes. « Mais quand nous menons nos sensibilisations dans les écoles, nous atteignons encore plus de gens, souligne Myriam Luz: les enseignants et les enfants transmettent aux communautés ce qu’on leur a dit, même si tous ne viennent pas dans nos programmes d'accompagnement scolaire. Tous nos syndicats de l’économie informelle continuent par ailleurs à être régulièrement sensibilisés au travail des enfants ». 

 

La CGT n’a pas récolté de nouveaux membres grâce à ce programme, mais selon Myriam Luz, là n’était pas l'objectif : « C’est peut-être une erreur de ne pas penser davantage à nous mais le plus important, ce sont les enfants. Nous avons reçu énormément de remerciements des parents qui comprennent que la CGT va plus loin que les activités syndicales habituelles, et en parlent à d’autres travailleurs ». Le secrétaire général de la CGT, Julio Roberto Gomez Esguerra, abonde dans le même sens: « Tout cela nous apporte une reconnaissance, y compris de la communauté non syndicale, des familles. Cette amélioration de l’image de la CGT est un investissement à long terme, une graine qui peut se développer ».

 

                                                                                           Samuel Grumiau

 

Brève:

 

« Je suis chaque vendredi les activités d’accompagnement scolaire de la CGT, qui m’ont aidé à réussir les examens dans les matières où je connaissais des difficultés. J’avais parfois de petits problèmes de compréhension mais mon principal souci était que ma famille n’a pas assez d’argent pour acheter les livres nécessaires à l’étude. D’autres enfants qui participent aux cours de la CGT m’ont prêté leurs livres et depuis, mes résultats sont bons ».

 

(Ronald, 12 ans, élève qui assiste aux programme de la CGT à Facatativa)

 

 

Brève :

 

« Pour la CGT, la lutte contre le travail des enfants n’est pas une mode, nous la poursuivons avec ou sans soutien financier international. A Ciudad Bolivar, l’une des zones les plus pauvres de Bogota, les habitants ont été surpris que nous restions car ils avaient l’habitude de voir des organisations « caritatives » venir les aider avec des objectifs politiques, puis partir à la fin des élections ».

 

(Myriam Luz, secrétaire nationale des finances de la CGT)

 

 

ENCADRE:

 

 

« Ils ont placé une arme dans ma main et une cigarette dans ma bouche »

 

Jableidy, 15 ans, a échappé aux guérilléros et aux pires formes de travail d'enfants. Elle est maintenant monitrice dans un programme de la CGT qui aide les enfants défavorisés.   

 

Je suis originaire d'El Rubi, dans le département de Santander. J’ai commencé à travailler à l’âge de 8 ans: je faisais le ménage et je devais préparer les repas pour mon père et 16 travailleurs actifs dans la culture de la coca. Ma mère et moi souhaitions que j'aille à l'école, mais mon père s'y opposait car selon lui, « les études, c’est pour les ânes ». La situation devenait dangereuse dans cette région, des guérilleros essayaient de m'influencer, ils ont placé une arme dans ma main et une cigarette dans ma bouche, ils essayaient de m’attirer à eux.

 

Je n’ai commencé à aller à l’école qu’à l’âge de 10 ans, quand ma mère a quitté mon père pour venir vivre à Bojacá , non loin de Bogota, où la situation est plus sécurisante. J'ai 15 ans maintenant et je suis en train de rattraper mon retard scolaire sur les adolescents de mon âge. Le programme d'accompagnement scolaire de la CGT m’a aidée dans toutes les matières où j’avais des difficultés, ça m'a permis de réussir tous mes examens. Mon rêve est d’être chanteuse, et aussi de poursuivre ma scolarité pour devenir enseignante, voire psychologue afin d’aider les enfants en difficulté. 

   

A l’heure actuelle, je ne travaille plus que le dimanche, de 6 heures à 18 h. Je vends les tickets sur les parkings où les touristes viennent se garer et je vais chercher de l’eau dans le puits pour alimenter les toilettes. Je gagne 15.000 pesos (7,7 dollars) par jour. Avant ce boulot, j’avais aussi vendu des bagues (je gagnais environ 5.000 pesos pour un travail de 7 à 17h), j’avais travaillé sur le marché, j’ai été travailleuse domestique, …

 

Chaque vendredi après-midi, je suis l’une des monitrices du programme de la CGT, et je gère les autres moniteurs J’aime enseigner, être leader. Je sais que certains enfants sont timides, mais je parle facilement à tout le monde. J’essaie de communiquer avec les enfants, de leur conseiller de ne pas travailler, je leur dis qu’au marché par exemple, ils peuvent se couper, se brûler, … Je n’aime pas tellement leur parler de ma propre expérience car ça génère du stress en moi, mais j'aime les entourer et les pousser à aller le plus loin possible dans leurs études.

 

 

  

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