Un incombustible infréquentable

(janvier 2001)

Article publié dans Le Journal du Médecin et Artsen Krant du 26 janvier 2001

Qu’est-ce que l’amiante ? Quelles pathologies sont le plus à craindre lorsqu’on le côtoie ? Petit tour d’horizon d’un incombustible désormais infréquentable…

L’asbeste (ou amiante) est extrait d’une roche qui, moyennant un traitement adéquat, donne des fibres techniquement utilisables. Pratiquement incombustible, l’amiante a été largement utilisé au cours des années 60 comme moyen de protection contre le feu. On le trouve donc dans de nombreux bâtiments de cette époque, soit sous forme d’asbeste-ciment (plaques ondulées de revêtement ou toitures, panneaux, tuyaux, gaines, …), soit mélangé à des matières plastiques (dans les cloisons, faux-plafonds, etc.), soit sous la forme d’asbeste floqué (l’amiante est floqué, c’est-à-dire projeté, sur des charpentes métalliques).

Aucun matériau que l’amiante ne combine autant les qualités d’excellent isolant thermique et acoustique. Le revers de la médaille est connu : ses fibres, en pénétrant dans les alvéoles pulmonaires, entament un travail dévastateur dans le corps, où elles sont quasiment indestructibles. Une fois inhalées, elles vont entraîner une réaction inflammatoire chronique qui aura pour conséquences des épaississements des cloisons alvéolaires ou de la plèvre, ainsi que des cancérisations. Même des expositions réduites et des contacts limités avec le minéral peuvent s’avérer dangereux.

Parmi les 140 maladies considérées comme étant provoquées par l’amiante, les plus connues sont le mésothéliome, l’asbestose et le cancer du poumon :

- Le mésothéliome est un cancer grave qui touche généralement la plèvre ou le péritoine. Il survient, dans 80 à 90% des cas, chez des travailleurs qui ont été exposés à l’amiante. La latence est de 15 à 50 ans. Sa symptomatologie est peu spécifique : dyspnée, douleurs thoraciques. Aucun traitement n’est vraiment efficace, de sorte que le décès survient en moyenne dans les douze à dix-huit mois suivant le diagnostic.

- L’asbestose est une fibrose du tissu pulmonaire. L’importance du risque dépend de la dose de poussière d’amiante inhalée. La latence va de quelques mois (très rare) à une période de 10 ou 20 ans. La symptomatologie est d’apparition progressive et les plaintes ne sont pas caractéristiques de l’asbestose : essoufflement; toux sèche, douleurs thoraciques mal localisées. L’asbestose est lente et irréversible, elle poursuit son évolution même après arrêt de l’exposition à l’amiante.

- Le cancer du poumon : au moins un cas de cancer du poumon sur dix est dû à l’exposition à l’amiante, le tabagisme ne faisant que multiplier les risques.

- Plusieurs études ont rapporté que l’amiante pouvait augmenter l’incidence de certains cancers digestifs ainsi que des cancers du larynx, des ovaires et des reins. Une relation certaine n’a cependant jamais pu être prouvée formellement. On constate par contre que des plaques pleurales bénignes touchent, selon les études, de 0 à 50% des personnes exposées à l’amiante.

La gravité et l’irréversibilité des pathologies liées à l’amiante mettent en évidence l’importance d’un dépistage aussi précoce que possible de toute anomalie. Le rôle du médecin du travail est à cet égard primordial, mais lorsqu’un travailleur cesse d’être exposé à l’amiante, il lui appartient de faire prendre son suivi en charge par son médecin traitant ou par un pneumologue. Un généraliste sera particulièrement attentif au patient qui appartient à une catégorie professionnelle à risque : le personnel du bâtiment (charpentiers, plafonneurs, équipes d’entretien, menuisiers, …), les garagistes (les vieilles voitures contiennent de l’amiante, notamment, dans les systèmes de freinage), bijoutiers, ouvriers des chemins de fer, … Une vigilance toute particulière sera bien entendu apportée au personnel des entreprises de désamientage. Il serait utile également de prévenir un patient dont on sait qu’il travaille « au noir », par exemple dans le bâtiment, des risques qu’il encourt face à l’amiante : par définition, ces patients-là ne bénéficient d’aucun suivi d’un médecin du travail…

                                                              Samuel Grumiau