Un travail de fond contre l’inacceptable
(octobre 2000)
Reportage paru dans un dossier sur l'exploitation sexuelle d'enfants au Cambodge, Journal du médecin, 24 octobre 2000
Enfants prostitués, trafiqués, utilisés dans la pornographie, … Le dégoût suscité par ces pratiques s’accompagne souvent d’un sentiment d’impuissance de la part du grand public. Un mouvement international, ECPAT (1), permet à chacun de passer à l’action.
Si la prostitution et le trafic des enfants sont enfin devenus des sujets ouvertement discutés sur le plan international et dans bon nombre de pays, c’est en partie à ECPAT qu’on le doit. Celle-ci est née en 1990 sous forme de campagne de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs dans le tourisme asiatique. Depuis, le phénomène d’exploitation n’a malheureusement cessé de s’étendre et ECPAT s’est transformé en un mouvement international qui compte des sections dans 44 pays, dont la Belgique. Son action se base sur trois volets : promouvoir un tourisme responsable, faire adopter une législation efficace contre l’exploitation sexuelle des enfants et informer le grand public.
La visibilité d’ECPAT sur le plan international a pris une nouvelle dimension après le premier Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants qu’elle a organisé en 1996 à Stockholm, avec l’aide de l’Unicef et du gouvernement suédois. Les gouvernements y ont adopté un « Agenda pour l’action » qui devrait aboutir au respect des articles concernant l’exploitation sexuelle contenus dans la Convention relative aux droits de l’enfant. En Belgique, c’est l’affaire Dutroux qui a contribué à faire connaître ECPAT : la petite section belge a été assaillie de demandes d’informations de journalistes et du grand public. Le traumatisme généré par cette affaire dans toute la population a notamment aidé ECPAT dans son travail de sensibilisation de l’industrie du tourisme.
Un réseau mis sous les verrous
Disposer de sections dans 44 pays offre à ECPAT la possibilité d’être un grand centre d’échange d’informations sur l’exploitation sexuelle des enfants. Il lui arrive ainsi de collaborer avec la police. La section taïwanaise d’ECPAT a mis la main, récemment, sur une brochure montrant des photos d’enfants blancs et tout portait à croire qu’il s’agissait de publicité pour pédophiles. Elle a transmis cette brochure aux sections des pays occidentaux, qui ont alerté leurs polices, ce qui a finalement abouti à l’arrestation d’un réseau d’exploitation sexuelle d’enfants. L’apport d’ECPAT est parfois moins spectaculaire tout en restant très utile : « Supposons qu’un Belge, Monsieur X, ait abusé d’un enfant en Thaïlande, explique Danielle Van Kerckhoven, d’ECPAT-Belgique. La justice belge a besoin d’une copie de la législation thaïlandaise pour le poursuivre… mais celle-ci n’est peut-être disponible qu’en Thaïlandais. Nous pourrons trouver, dans notre réseau, quelqu’un à même de fournir rapidement une traduction jurée des lois concernées ».
ECPAT se donne également pour tâche de mener des recherches scientifiques sur les différentes formes d’exploitation sexuelle des enfants. Les sections européennes sont plongées actuellement dans une étude sur l’ampleur du phénomène au sein de l’Europe. Danielle Van Kerckhoven : « On entend parler de cas ici ou là, mais nous voudrions obtenir des éléments concrets afin d’avoir une idée claire de la situation et proposer des mesures aux autorités, qui estiment souvent qu’il n’y a que des cas isolés. Ces études assoient nos revendications, elles crédibilisent notre mouvement car on nous traite parfois d’idéalistes, on nous dit que nous voyons une montagne là où il n’y a qu’une souris ! » Une action de lobby est par ailleurs menée envers les écoles de tourisme afin qu’elles incluent des allusions au tourisme sexuel dans leurs programmes.
Parler d’une même voix
La section belge se compose d’une trentaine d’ONG, d’organisations partenaires et d’environ 200 membres individuels. « La dénonciation de l’exploitation sexuelle des enfants est le dénominateur commun entre toutes les ONG membres d’ECPAT, note l’une des représentantes de la section belge, mais toutes n’ont pas les moyens de s’y consacrer à fond parce qu’elle sont déjà beaucoup occupées par d’autres activités. D’où la création d’ECPAT-Belgique, car il est important de pouvoir parler d’une même voix dans ce domaine ». Ce sont les contributions de ces ONG qui financent une bonne partie de la section belge d’ECPAT, avec un effort plus important d’Entraide et fraternité et de Broederlijk Delen. Avec un personnel de deux employées à mi-temps, ECPAT-Belgique ne peut toutefois contribuer autant qu’elle le souhaiterait à la lutte pour le bien-être des enfants.
Chacun peut devenir membre de la section belge d’ECPAT en échange d’une cotisation annuelle de 500 francs. On reçoit alors la revue trimestrielle du mouvement ainsi que le matériel destiné à sensibiliser le grand public à la cause. ECPAT distribue par exemple des étiquettes que l’on peut accrocher à un bagage et sur laquelle il est inscrit « Stop sexual exploitation of children». Pourquoi ne pas en laisser quelques-uns dans la salle d’attente de son cabinet ? Le geste peut sembler anodin, mais il permet de rappeler constamment l’existence du problème, surtout lorsqu’il passe de mode dans les médias. Les membres peuvent aussi jouer le rôle de relais dans leur région pour transmettre les demandes d’animation dans les écoles, les associations locales, etc. Susciter des dessins d’enfants est également un acte encourageant, ils peuvent par exemple servir de soutien moral lors de l’accompagnement psychologique des enfants rescapés de la prostitution. ECPAT a besoin des contributions de chacun pour lutter contre un phénomène aussi vaste que l’exploitation sexuelle des enfants. N’hésitez pas à contacter la section belge (2) si vous désirez apporter votre petite pierre au combat…
Samuel Grumiau
(1) End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for sexual purposes (site Internet : www.ecpat.net)
(2) ECPAT Belgique, rue des Tanneurs 165 à 1000 Bruxelles. Tél/ 02/502.57.00 – Fax : 02/502.81.01 – E-mail : ecpat@broederlijkdelen.be
Le rêve dominicain des Haïtiens vire souvent au cauchemar
Des dizaines de milliers d’Haïtiens fuient chaque année la pauvreté pour tenter leur chance dans le pays voisin, la République dominicaine. Dépourvus de documents de voyage, la plupart contactent des passeurs supposés les aider à traverser clandestinement la frontière. Du « simple » bakchich au viol en passant par les coups de machette et d’autres abus, les rêves d’eldorado peuvent virer au cauchemar.
Lire la suite
« Le plus important pour eux est d’instaurer la peur chez les citoyens »
La répression des activités syndicales est de plus en plus grave au Swaziland. Arrestations arbitraires, menaces, passages à tabac se succèdent pour réduire au silence les militants. Barnes Dlamini, président de la fédération syndicale SFTU (Swaziland Federation of Trade Union), a été arrêté à plusieurs reprises en 2011. Il fait le point sur cette situation.
Lire la suite