Les mains sales des oligarques du charbon
(janvier 2006)
Reportage publié dans « Le Monde Syndical » (magazine de la Confédération internationale des syndicats libres) de janvier 2006
Les tentatives de privatisation par l’Etat des mines de charbon ukrainiennes ont souvent été de bonnes affaires pour des businessmen peu scrupuleux devenus depuis de puissants « oligarques ». Fortune faite, ils investissent à présent dans des affaires propres. Les mineurs, eux, continuent de se tuer à la tâche dans les entrailles de la terre.
Alors que le rêve du gouvernement ukrainien serait de privatiser toutes les mines de charbon du pays, seules 10 mines sur 167 sont actuellement aux mains d’investisseurs privés sérieux. Ceux-ci se sont rués sur les mines les plus récentes, les mieux entretenues ou possédant les meilleures conditions géologiques, c’est-à-dire celles qui ne nécessitaient quasiment aucun investissement pour être rentables. Pour les mines moins récentes ou moins bien entretenues, il est à l’inverse extrêmement difficile de trouver des businessmen sérieux prêts à y investir : les sommes à dépenser pour les remettre en état sont énormes tandis que les bénéfices se font attendre plusieurs années. « L’Etat est le meilleur propriétaire pour les mines de charbon, estime Valery Mamchenko, premier vice-président du Comité central du Syndicat des travailleurs de l’industrie du charbon de l’Ukraine (STICU) : s’il y a d’immenses réserves de charbon dans notre sol qui peuvent rendre l’Ukraine indépendante de la Russie sur le plan énergétique, il faut beaucoup investir avant d’en retirer les profits cinq ou six ans plus tard, ces délais n’intéressent pas les investisseurs. Il faut 1,5 milliards de hryvnias (250 millions d’euros) pour construire une nouvelle mine ».
« Pourquoi ne privatiser que les mines qui fonctionnent bien ?, demande Leonid Davydov, vice-président du Comité central du STICU. Juste pour les oligarques, qui choisissent les meilleures mines et s’enfuient lorsqu’elles deviennent moins rentables ?». A coups de pots-de-vin, des hommes d’affaires sans scrupules se sont en effet immiscés dans le milieu des mines afin d’en retirer un maximum d’argent. « Dans la seconde moitié des années 90, certaines mines ont été « louées » à de faux investisseurs qui ont joué sur les différences de prix : ils vendaient aux mines du matériel à un prix exagéré en échange de charbon qu’ils revendaient à des prix élevés, par exemple à des producteurs d’électricité. Ils avaient pour habitude de vendre du mauvais équipement aux mines et de s’emparer de leurs bonnes machines. Lorsque ces mines ne contenaient plus rien de valable, ils les déclaraient en faillite et elles revenaient à l’Etat, explique Valery Mamchenko. Les privatisations ont été mieux réglementées à partir de la fin des années 90. Les mines privées extraient maintenant 40% de la production ukrainienne de charbon ».
Les oligarques qui se sont enrichis par des pratiques malhonnêtes avec la complicité d’au moins une partie des autorités se tournent maintenant vers des business plus réguliers. « Les oligarques qui ont gagné beaucoup d’argent durant les années de transition, notamment via les mines, investissent maintenant cet argent gagné illégalement dans d’autres industries, comme la chimie (avant, tout cet argent partait vers les banques d’Europe occidentale). Certains investissent dans le football », note Valery Mamchenko. Plusieurs clubs de football de la région du Donbass repris par des oligarques (Shakhtar Donetsk, Metallurg Donetsk, … ) ont ainsi réalisé une progression remarquée dans les compétitions européennes ces dernières années. Ils paient des salaires importants pour attirer des joueurs relativement renommés et tentent ainsi de se donner une image respectable. « Personne ne connaît les sommes déboursées pour acheter ces joueurs, les taxes ne sont pas payées, affirme Anatoliy Akimochkin, vice-président de la confédération syndicale KVPU. C’est un milieu dangereux. Un journaliste qui écrivait sur ces affaires a été assassiné ».
Les grandes victimes de ces manipulations sont bien sûr les travailleurs des mines ainsi que leurs familles. Pendant que leurs élus et leurs employeurs se remplissaient largement les poches sur le compte des charbonnages, eux perdaient leur emploi ou trimaient à des centaines de mètres sous le sol dans des conditions de travail rendues encore plus dangereuses par la fourniture de mauvais équipements. Des centaines l’ont payé de leur vie.
Samuel Grumiau
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