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« Ils disent qu’ils vont me tuer à petit feu »

(juin 2007)

(Témoignage publié dans le mensuel d'Amnesty-Belgique francophone, Libertés!, de juin 2007)

 

 

Le 2 janvier 2007, un mouvement intersyndical lance un mot d’ordre de grève générale en Guinée-Conakry : le Président du pays a libéré deux représentants du secteur privé accusés de graves malversations de fonds, des accords entre partenaires sociaux ne sont pas respectés et les conditions de vie ne cessent de se détériorer. Plus de 129 personnes sont assassinées et 1.700 blessées durant les grèves et manifestations, en janvier et février. Rabiatou Diallon secrétaire générale du syndicat CNTG (Confédération nationale des travailleurs de Guinée), est blessée et arrêtée.

 

« La Guinée commence enfin à sortir de la crise. Nous avons un nouveau gouvernement de large consensus, mais le travail commence maintenant : il y a des éléments qui se sont enracinés, qui ont pris goût à la mauvaise gouvernance, à l’impunité et aux détournements. Ce ne sera pas facile de changer cette donne. Le nouveau gouvernement doit restructurer toute l’administration, redresser l’économie guinéenne. Les attentes sont énormes car la vie quotidienne est très difficile : nous sommes sans eau potable, sans électricité, les hôpitaux ne sont pas suffisamment équipés, l’enseignement est au plus mal … Presque tout est à refaire en Guinée.

 

Les syndicats ont obtenu un énorme soutien populaire lors des manifestations car les gens en avaient ras-le-bol de la manière dont ça se passait. Quelques hommes avaient pris le pays en otage, ils profitaient de la situation au détriment de tout le peuple. Malgré les principes de la CEDAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) concernant la libre circulation des personnes et des biens, nous avons demandé le blocage de l’exportation des denrées alimentaires de première nécessité pour une durée d’un an : la Guinée était dans une situation exceptionnelle, même celui qui avait les moyens ne pouvait pas bien manger car on ne trouvait rien au marché. Tout était exporté, même les balais de ménagères ! Depuis qu’on a bloqué ces exportations, les gens respirent un peu. Même si le pouvoir d’achat des travailleurs est à terre, ils voient qu’il y a du bon poisson, de la viande, des légumes sur la place du marché.

 

Nous avons payé un prix très lourd pour obtenir ces avancées. J’ai moi-même été blessée par balles au cours des mobilisations. Dans la panique, on a annoncé à ma sœur que j’étais décédée, elle a eu une crise et en est morte. J’ai recueilli ses cinq enfants alors que j’en ai déjà conçu neuf, dont sept sont vivants, et que je m’occupe aussi d’enfants orphelins. Je n’ai pas pu aller à l’enterrement de ma sœur car ce jour-là, il fallait aller à la table de négociations. Ils disent qu’ils vont me tuer à petit feu… Récemment, alors que j’étais en mission en Belgique, on m’a appelée de Guinée pour m’avertir qu’on a brûlé ma plantation. Ca faisait des années que je travaillais pour cette plantation avec mon mari, avec la famille, nous avions des arbres fruitiers qui commençaient à produire.

 

Nous tenons bons en partie grâce à la solidarité internationale, notamment celle des syndicats internationaux et de syndicats nationaux comme la CSC. Ils ont écrit au gouvernement, ils ont envoyé des missions en Guinée. Voir le monde entier se mobiliser pour nous soutenir m’a encouragée, ça a renforcé ma position. Je me suis dit que je n’ai pas le droit à l’erreur, je ne dois pas reculer, je dois avancer pour atteindre mon objectif. Si je baisse les bras, je vais décourager tout un peuple ».

 

                                                         Propos recueillis par Samuel Grumiau

 

 

Note : Ce témoignage est issu de l’interview de Rabiatou Diallo publiée sur le site de la Confédération syndicale internationale, www.ituc-csi.org

 

 

 

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