« Le nouveau code du travail n’aide que les oligarques »
(mai 2008)
(Interview publiée sur le site de la CSI, à l'adresse http://www.ituc-csi.org/spip.php?article2127&lang=fr, et qui constitue l'introduction à une série de reportages sur la Géorgie publiés dans Vision Syndicale n°9, de mai 2008, disponible à http://www.ituc-csi.org/spip.php?article2145&lang=fr, reportages également disponibles sur ce site sampress.org).
« Le nouveau code du travail n’aide que les oligarques »
Alors que le gouvernement géorgien a créé un environnement propice au capitalisme sauvage, le mouvement syndical se modernise pour survivre et améliorer son image. Irakli Petriashvili, président de la Confédération des syndicats géorgiens
Quelles sont les forces vives de la
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On peut faire toutes les réformes possibles, mais changer la mentalité des gens reste difficile. Nous sommes restés très longtemps sous la coupe de l’URSS, et beaucoup de gens réfléchissent encore comme à cette époque. C’est le cas aussi au niveau syndical : beaucoup ne savent pas ce qu’est un vrai syndicat, ils continuent à penser qu’il s’agit d’une sorte de département de plus au sein du gouvernement, comme sous la période soviétique, lorsque les dirigeants du
Je participais récemment à une émission télévisée où des téléspectateurs pouvaient poser des questions en direct. Alors que je dénonçais tous les problèmes provoqués par le nouveau code du travail, une dame a appelé pour dire qu’à son avis, ce n’était pas le genre de question dont devrait débattre la
Quelles actions la
Nous avons d’abord adapté notre Constitution pour rendre notre gestion très transparente et démocratiser l’élection des dirigeants. Nous avons aussi fait le ménage dans nos fédérations : par le passé, certaines fédérations n’avaient de membres que sur papier, mais elles envoyaient quand même des représentants aux congrès de la
Nous avons par ailleurs créé trois bureaux régionaux à Tskhinvali (Ossétie du Sud), Batumi (Adjarie) et Rustavi. A Tbilissi, la capitale, beaucoup de gens connaissent les syndicats et sont au courant de nos activités. C’est moins le cas dans les autres régions, et nous espérons ouvrir d’autres bureaux décentralisés à l’avenir.
Notre image s’améliore également grâce à nos actions publiques, nos manifestations. Une grande partie des Géorgiens ne savaient pas que le devoir de la
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Nous entretenons de bonnes relations avec les journalistes, mais il n’est pas toujours dans l’intérêt de leurs employeurs de les laisser écrire ou parler sur les sujets que nous abordons, comme les problèmes provoqués par les contrats à court terme ou les salaires payés en noir. Pour éviter l’autocensure des propriétaires des médias, nous recourons aux manifestations spectaculaires. Ainsi, dans le cas de la brasserie Kazbegi, dont la direction avait licencié nos militants, nous avons amené de grandes poubelles métalliques lors d’une conférence de presse, et nous avons déversé de la bière dans ces poubelles tout en appelant au boycott de cette marque. Nous avons utilisé des images fortes en disant que cette bière a l’odeur de la sueur des travailleurs. Nous ne parviendrions pas à faire passer notre message dans la presse si nous n’utilisions pas ces techniques spectaculaires.
Autre exemple en 2007, lorsque le gouvernement a décidé de réduire fortement le salaire des travailleuses en congé de maternité. Nous avons mobilisé des femmes qui sont allées devant le Parlement en portant des choux, avec comme message que « les enfants ne naissent pas dans des choux ». Cette attaque contre le congé de maternité peut avoir des conséquences très graves pour la société : d’une part, les couples hésiteront davantage avant de concevoir des enfants, ce qui posera des problèmes démographiques. D’autre part, certaines travailleuses hésitent à prendre l’entièreté de leur congé de maternité et travaillent jusqu’au neuvième mois, même lorsqu’elles effectuent des travaux lourds. Cela peut provoquer des problèmes de santé tant chez le bébé que chez sa maman.
Le gouvernement met tout en œuvre pour séduire les investisseurs, quitte à sacrifier les droits fondamentaux des travailleurs…
Le gouvernement géorgien met en place une politique néolibérale extrême. Pour les dirigeants géorgiens, le marché est notre dieu, ils ne doivent pas prendre en considération ce que veulent les gens mais ce que veut le marché. Ils veulent imiter ce qui se passe aux Etats-Unis et dans l’Union européenne mais ils oublient que même dans ces pays, il reste des mécanismes de protection sociale, alors qu’en Géorgie il n’en existe plus du tout. La preuve avec le code du travail adopté en 2006, qui n’aide que les oligarques, pas les gens qui réfléchissent sur le long terme. En adoptant ce code du travail, le but du gouvernement est d’attirer les investisseurs, de donner un grand élan à l’économie, mais il s’agit d’une croissance qui n’offre pas de nouveaux emplois décents. Si certains businessmen peuvent profiter de cette politique pour gagner beaucoup en peu de temps, la condition sociale de la population stagne ou se détériore.
L’image d’oligarque évoque celle d’investisseurs mafieux prêts à tout pour gagner rapidement des sommes mirobolantes. Est-ce encore le cas actuellement ?
Il y a une expression chez nous qui dit : « Ne me demande pas comment j’ai gagné le premier million, et je te dirai tout sur les autres millions ». Dans des pays comme la Géorgie, l’Ukraine, la Russie et d’autres, beaucoup de personnes sont rapidement devenues millionnaires dans les années qui ont suivi la fin de l’URSS. Auparavant, la législation géorgienne protégeait les travailleurs, et certains employeurs utilisaient des moyens criminels pour la contourner. Ils n’ont plus besoin de le faire car la législation est maintenant totalement en leur faveur.
Quelles sont les conséquences de l’adoption en 2006 de ce code de travail ultralibéral ?
Un employeur est désormais libre de licencier un travailleur à tout moment, sans devoir apporter de justification. Les licenciements suite à une activité syndicale, une appartenance religieuse, un refus de harcèlement sexuel ou n’importe quelle autre raison sont donc possibles. Le code du travail n’autorise pas explicitement les licenciements pour ces raisons, mais il ne les interdit pas non plus. Nous avons perdu environ 20.000 membres en raison du harcèlement et des licenciements facilités par ce code du travail, mais au total, nous en avons certainement attirés davantage : les travailleurs comprennent qu’ils doivent se serrer les coudes s’ils veulent défendre leurs droits car ils ne peuvent compter sur le gouvernement pour les protéger. Ils constatent que, même si nos efforts ne sont pas toujours récompensés, nous n’abandonnons jamais la défense des travailleurs et des travailleuses.
Le nouveau code a aussi entraîné une dégradation des conditions de travail et une réduction du nombre d’emplois. Par exemple, avant 2006, les heures supplémentaires étaient payées le double du salaire normal. Le code actuel se limite à préciser que cette rémunération des heures supplémentaires ne peut être inférieure à celles des heures normales. Certains patrons poussent donc leurs employés à travailler 60 heures par semaine au lieu des 41 heures prévues. Si ces employés avaient pu se limiter au temps de travail normal, l’employeur aurait dû engager des travailleurs supplémentaires.
Y a-t-il eu concertation avec les partenaires sociaux avant l’adoption de ce code du travail ?
Lorsque le code n’était encore qu’un projet, nous sommes parvenus à convaincre l’association des employeurs qu’il s’agissait d’une évolution négative, que les patrons pourraient certes gagner plus d’argent sur le court terme mais que sur le long terme, on allait droit à la banqueroute. Tant le mouvement syndical que l’association des employeurs ont averti le gouvernement des risques de déstabilisation induits par l’adoption d’un tel code. Le gouvernement n’a rien voulu entendre, sans doute parce qu’il manque d’expérience, et parce qu’il était poussé en ce sens par certaines institutions financières internationales comme la Banque mondiale.
En novembre 2007, les médias du monde entier ont relayé les grandes manifestations organisées par les partis d’opposition et réprimées violemment par les forces de l’ordre. Peut-on estimer que les milliers de manifestants étaient davantage motivés par la situation économique que par des raisons politiques ?
Tout à fait. Les partis d’opposition ont clamé haut et fort que les manifestants les soutenaient dans leurs revendications politiques, mais la grande majorité d’entre eux voulaient dénoncer les problèmes économiques qu’ils vivent au quotidien. Ces manifestants ont été déçus : aucun politicien n’a dénoncé les exploitations dont sont victimes les travailleurs, les licenciements facilités par le nouveau code du travail, les salaires indécents, etc. Certains de ces travailleurs sont donc venus trouver la
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Non. Nous avons bien entendu dénoncé la répression violente, mais nous ne voulions pas nous associer aux manifestations car elles avaient un but politique. Plusieurs partis d’opposition qui ont pris part à ces manifestations ont des opinions encore plus défavorables aux travailleurs que celles du gouvernement. Des oligarques sont à la tête de certains de ces partis, et nous ne partageons vraiment pas le même projet de société. Ils ne se sont aucunement opposés aux réformes ultra-libérales du gouvernement, bien au contraire.
(1) Georgian Trade Unions Confederation.
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La répression des activités syndicales est de plus en plus grave au Swaziland. Arrestations arbitraires, menaces, passages à tabac se succèdent pour réduire au silence les militants. Barnes Dlamini, président de la fédération syndicale SFTU (Swaziland Federation of Trade Union), a été arrêté à plusieurs reprises en 2011. Il fait le point sur cette situation.
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