« La télé et l’ordinateur, ce n’est pas pour les gens de ton milieu »
(juin 2010)
Article publié dans "Travail", le magazine du BIT (Bureau international du travail), en avril 2010
Le travail domestique n’est plus qu’un mauvais souvenir pour Sara, une enfant marocaine qui a retrouvé le chemin de l’école grâce à l’intervention d’un syndicat d’enseignants.
La vie de Sara Marbouh, habitante de Fès (Maroc), a basculé en janvier 2003, à l’âge de 10 ans: son père doit arrêter de travailler, car il perd la vue, et sa mère décide que Sara doit quitter l’école pour aider sa famille à subsister. « J’étais en quatrième année primaire, je voulais poursuivre des études, car j’aimais aller à l’école. Si nous n’avions pas eu ces problèmes économiques, ma mère m’aurait laissé continuer, même si elle n’était pas complètement persuadée de l’utilité de l’école, notamment parce qu’un de mes frères n’a pu trouver un emploi correspondant à son diplôme. Un voisin connaissait une dame de Casablanca qui cherchait une travailleuse domestique et proposait à ma famille de lui verser 500 dirhams (58 dollars des Etats-Unis) par mois. J’ai beaucoup protesté auprès de ma mère pour la faire changer d’avis. Après une dispute, je pensais l’avoir convaincue, mais un dimanche de janvier 2003, vers 10 heures du matin, cette dame est arrivée en voiture et, l’après-midi, elle m’emmenait chez elle. »
Sara a commencé à travailler dès le lendemain de son arrivée. « Je ne pouvais jamais m’arrêter: lessive, vaisselle, ménage, etc. Ils se réveillaient à 6 heures du matin, mais je devais me lever avant pour préparer leur petit-déjeuner, puis je travaillais toute la journée et la soirée, parfois jusqu’à minuit. Chacun avait sa chambre, mais je dormais dans la cuisine. Ma patronne m’a souvent frappée. Ça a commencé dès la première lessive, car elle n’était pas satisfaite du résultat. Un jour, alors que j’étais seule à la maison, je suis allée sur l’ordinateur de la famille mais, quand la patronne est arrivée, elle était très fâchée, elle m’a frappée et m’a dit de ne plus jamais m’approcher de l’ordinateur ni de la télévision, car ce n’est pas pour les gens de mon milieu. Idem lorsque j’ai touché aux jouets des enfants. Elle m’a dit qu’il y avait des caméras cachées dans le logement pour me surveiller. »
Un programme du Syndicat national de l’enseignement (SNE) a permis à Sara de retrouver les bancs de l’école. Ce programme consiste notamment à sensibiliser les enseignants sur leur rôle dans la communauté en cas de décrochage ou d’abandon scolaire. « Lorsque nous nous sommes aperçus de l’absence de Sara et que nous avons appris ce qui lui était arrivé, nous avons tenu une réunion pour discuter de son cas, puis nous sommes allés chez sa mère pour tenter de la convaincre de l’importance de l’éducation », explique le directeur de l’école de Sara, Mohammed Glioui, qui est aussi un militant syndical. « Nous lui avons proposé une aide pour réintégrer Sara dans l’école: quelques fournitures scolaires, quelques habits, etc. Elle était fière que nous fassions cela pour sa fille et, après deux mois de réflexion, elle a appelé la patronne de Sara, et celle-ci a pu revenir dans notre école. »
Agée de 16 ans aujourd’hui, Sara réussit un parcours scolaire exemplaire. Elle est en première année du lycée et espère poursuivre ses études pour devenir pédiatre.
Samuel Grumiau
Note : Ce témoignage a été publié à la suite d’un reportage concernant la lutte contre le travail des enfants domestiques en Tanzanie, disponible sur http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-82.html
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