La loi du silence
(février 2006)
Article d’un dossier « Ouganda » publié dans le numéro de février 2006 de « Libertés ! », mensuel d’Amnesty International en Belgique francophone
Avoir un proche employé par le gouvernement, ne pas bien répondre à une question, signaler à l’armée ougandaise l’une ou l’autre attaque… La LRA (1) ne manque pas de prétextes pour torturer les habitants du nord de l’Ouganda. Le découpage des lèvres est l’une des mutilations qu’ils imposent le plus souvent.
Hellen Lanyom avait 51 ans en 1995, lorsque sept soldats de la LRA ont pénétré durant la nuit dans sa hutte, située dans un village à 28 km de Gulu. Elle s’y trouvait avec sa sœur et deux de ses frères. Les rebelles ont exigé qu’ils leur indiquent où se trouvait un autre frère, engagé dans l’armée ougandaise. « Nous avons répondu que nous ne savions pas s’il était soldat du gouvernement, que nous ne savions même pas où il se trouvait. Ils nous ont dit : «Si vous ne parlez pas ce soir, vous allez voir ce qui va vous arriver ». Ils ont tué mes deux frères devant nous. C’était terrible, je les ai vus se faire massacrer à la hache. J’ai commencé à trembler de tout mon corps. Les rebelles plus âgés ont alors demandé à deux des jeunes garçons qui se trouvaient parmi eux de prendre un couteau et de me couper les lèvres ainsi que celles de ma soeur. L’un avait environ 18 ans et l’autre 12 ans. Je me suis débattue car je savais ce qu’ils allaient faire, mais ils m’ont lié les mains avant de me couper les lèvres. Le plus jeune des garçons était assez hésitant au moment de couper, mais les autres l’exhortaient, lui disaient « fais-le, fais-le, coupe ses lèvres ! ». Je me suis évanouie après cette torture ».
Consciente que ces deux jeunes rebelles ne voulaient pas la mutiler, Hellen ne leur en veut pas personnellement. Elle vit maintenant à quelques kilomètres de Gulu, sur un petit terrain où elle peut cultiver quelques légumes, mais n’est guère plus en sécurité qu’avant. « Des rebelles m’ont encore attaquée il y a deux ans, explique-t-elle. Ils m’ont obligée à les suivre en portant ma petite fille dans les bras, mais lorsqu’ils ont rejoint leur commandant et que celui-ci a vu mon état, il leur a dit : « Pourquoi avez-vous amené cette femme ici ? N’a-t-elle déjà pas assez souffert ? » Il leur a ordonné de me ramener à la maison. J’étais tellement effrayée que j’ai préféré passer la nuit dans la brousse. Je demeure très inquiète car je sais qu’ils peuvent nous attaquer à tout moment. La nuit, mes petits-enfants vont dormir dans le centre de Gulu, ce qui n’empêche pas que les rebelles pourraient aussi venir le jour ».
Samuel Grumiau
(1) Lord’s Resistance Army, voir les autres articles du dossier:
- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-89.html
- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-91.html
- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-92.html
- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-93.html
- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-94.html
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