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Le nord déplacé

(février 2006)

Reportage faisant partie d’un dossier « Ouganda » publié dans le numéro de février 2006 de « Libertés ! », mensuel d’Amnesty International en Belgique francophone

 

La quasi-totalité de la population rurale du nord de l’Ouganda doit se résoudre à habiter dans des camps de personnes déplacées pour se protéger des attaques rebelles. Les conditions de vie dans ces camps surpeuplés font voler en éclats les valeurs traditionnelles.    

 

La terreur imposée par la LRA dans le nord de l’Ouganda a contraint environ 1,7 millions de personnes (90 % de la population de ces provinces) à se réfugier dans des camps de personnes déplacées. Plus de 200 camps existent à l’heure actuelle. Ces camps sont censés être protégés par l’armée ougandaise mais leur taille empêche toute surveillance efficace, même si les attaques sont moins fréquentes que dans les régions reculées et isolées.

 

L’existence de ces camps révèle l’existence d’un gigantesque drame humanitaire dans le nord de l’Ouganda. Les habitants y sont entassés dans de minuscules huttes manquant de tout ; les efforts du gouvernement et des ONG pour y ouvrir un minimum d’écoles et de dispensaires ne suffisent pas ; de longues queues se forment chaque jour devant les quelques pompes à eau pour remplir un ou deux jerricanes par famille. Avant l’exode, la grande majorité des déplacés assuraient leur subsistance grâce à la culture de leurs terres, mais celles-ci sont désormais laissées à l’abandon car elles sont situées trop loin des camps, dans des zones non sécurisées. Ils doivent maintenant compter sur les distributions de sacs de nourriture régulièrement effectuées par le PAM (Programme alimentaire mondial des Nations unies), avec le soutien financier de gouvernements étrangers parmi lesquels on compte la Belgique. Les convois du PAM doivent être escortés par l’armée ougandaise pour ne pas être attaqués par les rebelles de la LRA tout aussi affamés que la population qu’ils terrorisent.       

 

                        Pas de culture de maïs pour éviter les cachettes

 

En moyenne, 60 % des besoins nutritifs de la population des camps sont rencontrés par les distributions alimentaires du PAM. Les déplacés sont supposés se procurer le reste ailleurs. Or, l’armée ougandaise limite les possibilités de cultiver les terres situées autour des camps parce qu’elle ne peut y assurer la sécurité et que certaines cultures, comme le maïs, peuvent fournir d’excellentes cachettes aux rebelles. La malnutrition sévit donc ci et là dans les camps, d’autant que la qualité de l’eau et des soins médicaux est loin d’être optimale. Agences humanitaires et gouvernement ougandais font de leur mieux pour parer au plus urgent, mais assurer pour de longues années une alimentation équilibrée à 1,7 millions de personnes déplacées dans une zone en guerre est un défi extrêmement difficile à relever.

 

Loin de leurs villages, sans travail, mélangées entre clans et tribus de divers horizons, les déplacés voient leurs codes traditionnels se déstructurer. Les liens familiaux sont mis à rude épreuve. « Comme les gens s’ennuient dans ces camps où règne le désœuvrement, beaucoup se mettent à consommer de plus en plus d’alcool, explique Rose Nyakato, coordinatrice de la Transcultural Psychocial Organization, une ONG du district de Lira soutenue par l’UNICEF. De nombreux maris passent leurs journées à boire, se montrent violents quand ils rentrent chez eux et se voient reprocher par leurs épouses de dépenser en alcool le peu d’argent dont ils disposent. Cela peut aussi mener à des relations extraconjugales car les hommes, après avoir bu, ont parfois des relations avec d’autres femmes, prostituées ou non. Les structures familiales se détériorent : l’épouse n’est pas heureuse, elle est agressive car son mari la trompe et ne ramène pas de nourriture à la maison… Cela crée un malaise chez les hommes car, si la culture de la région veut qu’il soit le chef de famille, son autorité est altérée par son comportement, lui-même lié à sa condition de personne déplacée. La prostitution des adolescentes se répand également dans les camps, tout comme les maternités précoces, en raison de l’irresponsabilité de certains parents qui demandent à leurs filles d’aller chercher de la nourriture pour la famille, ce qui, dans ce contexte, se traduit souvent par “va vendre ton corps”. Je suis très inquiète pour cette génération. »

 

                                                                                              Samuel Grumiau

 

(1) Lord’s Resistance Army, voir

- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-89.html

- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-90.html

- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-91.html

- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-92.html

- http://www.sampress.org/base/frFR/affiche_art/articles-93.html

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